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Truc 3 - Les défis de la communication

 

Les Maliens disent : « Celui qui marche dans l’obscurité, sans lumière, ne peut marcher qu’à pas incertains. »

Il n’est pas facile de maintenir le contact avec nos partenaires africains. Le système postal du Mali n’est pas développé comme le nôre et le courrier prend du temps à se rendre. C’est pourquoi Des Mains pour Demain a depuis longtemps opté pour une autre solution. Lorsque quelqu’un s’envole pour le Mali, on lui remet des lettres et des paquets.

La langue officielle du Mali est le français, mais 80 % de la population parle le bambara. Le taux d'alphabétisation, sous les 50 % à l’échelle nationale, est encore plus faible en milieu rural. Ainsi, trouver un interlocuteur pour nourrir la correspondance n’est pas facile. Il doit s’agir d’une personne qui parle français et qui a la confiance de sa communauté.

Dans certains villages, cela n’est pas évident. S’il n’y a que deux ou trois personnes parlant français mais qu’elles n’ont pas la confiance de la population, comment peuvent-elles servir d’intermédiaires entre les Québécois et leurs concitoyens ?

à Sainte-élisabeth, nous avons eu la chance de pouvoir compter sur Moussa Konaté, un enseignant engagé. Son excellent français et ses qualités de leader respecté de la communauté ont permis au jumelage de prendre son envol dès les premières années.

Sanankoroba est situé à seulement 35 kilomètres de la capitale malienne, Bamako. Le village est traversé par une route nationale. L’accès au transport y est donc facile. Depuis l’avènement de l’Internet au Mali, nous avons communiqué avec nos amis lorsque ceux-ci se rendaient en ville.

Mais la plupart des villages de la région de Sanankoroba sont éloignés et isolés. Il faut prendre un chemin de brousse de plusieurs kilomètres avant d’accéder à une agglomération de maisons entourées de champs à perte de vue. Ces gens ne vont que très rarement à Bamako. Le courrier ne s’y rend quasiment jamais.

Pour qu’un jumelage se développe, il faut trouver et former les bonnes personnes. Il faut établir une fréquence de communication. ça prend de l’engagement et de la persévérance. C’est absolument nécessaire.

Ghislaine Poirier et Yacouba Doumbia

Ghyslaine PoirierGhislaine Poirier a dans les yeux cette petite flamme qui s’allume à l’évocation du Mali. Depuis 1983, avant même le jumelage, sa vie est liée à l’Afrique. Elle et son mari André ont été les premiers Bayollais à recevoir des Maliens sur leur ferme du rang Saint-Pierre.

Ghislaine est un pilier du jumelage. Elle est la secrétaire du comité Des Mains pour Demain depuis 1993. « ça commence à faire un bail ! », avoue-t-elle en riant. Parce qu’elle est chargée de tout ce qui concerne la paperasse, tout le monde se réfère à elle.

Personne n’est allé à Sanankoroba plus souvent qu’elle : 14 fois ! Au début, elle y allait à chaque année. Après une pause de trois ans, elle effectue une nouvelle mission à l’automne 2009.

Une source d’information privilégiée, elle connaît l’histoire du jumelage sur le bout de ses doigts. Tout passe entre ses mains, puisqu’elle est aussi responsable des communications avec le Benkadi. à ce titre, pas un détail ne lui échappe.

Yacouba Doumbia est au Benkadi ce que Ghislaine Poirier est à Des Mains pour Demain. Depuis 2002, il travaille à temps plein comme coordonnateur de l’organisme. 

« J’ai été sélectionné parmi un groupe de huit candidats qui ont postulé pour ce poste. Le Benkadi était rendu trop gros, il y avait trop de secteurs d’activités. ça prenait un coordonnateur », explique Yacouba.

Des Mains pour Demain a appuyé le Benkadi dans les démarches menant à l’embauche de Yacouba. Son salaire est assumé par Des Mains pour Demain dans un pourcentage décroissant d’année en année.

Yacouba DoumbiaC’est donc Yacouba et Ghislaine qui assurent les communications officielles entre les deux comités de jumelage.

« Le contact n’a jamais été facile », admet Ghislaine. Soit parce qu’il était trop espacé, trop dispendieux ou tout simplement parce que le courrier ne se rendait pas. « Avant que l’Internet n’arrive à Sanankoroba, Yacouba devait aller à Bamako. Il gardait toutes ses factures et on le remboursait. »

Yacouba renchérit : « Il fallait payer l’essence. Il fallait payer la connexion au cyber. Des fois, il y avait une panne d’Internet et il fallait revenir à Sanankoroba sans avoir communiqué. »

Yacouba et Ghislaine sont conscients de l’importance de leur rôle dans la bonne marche du jumelage entre Sainte-élisabeth et Sanankoroba. Selon Yacouba, « quand on n’a pas d’information, ça peut même amener la tristesse dans un partenariat. »

Sanankoroba sur la toile

Sanankoroba fait un bond dans le 21ème siècle avec l’arrivée de l’Internet en 2009. La chose n’a pas été simple. Sanankoroba est un village tout en sable et en vent, et les ordinateurs n’aiment pas la poussière. Le local choisi a dû être équipé de fenêtres hermétiques et d’un ventilateur.

Il s’agit du premier projet du BenbaLa, le regroupement lanaudois des partenariats avec le Mali. Tous les comités membres ont contribué à la hauteur de leurs possibilités. Trois ordinateurs ont été achetés et transportés par des émissaires québécois en partance pour le Mali. La Commune de Sanankoroba s’est chargée des dépenses d’installation et de fonctionnement du café Internet. Yacouba Doumbia, le coordonnateur du Benkadi, assume la permanence.

L’Internet était devenu une nécessité. Le problème de la communication, un peu agaçant à Sanankoroba, devenait une véritable entrave au développement des partenariats dans les autres villages, qui ont un accès plus difficile à Bamako.

Le « cyber », comme on l’appelle, en est encore à ses balbutiements. Les jeunes commencent à y être formés. Chaque jour, il y a de nouvelles adresses courriel qui se créent. Et même si des problèmes de connexion sporadiques surviennent, c’est une vraie amélioration pour tous les comités de partenariat de Lanaudière.

Bien sûr, les communications sont plus faciles, mais ce projet vise aussi, et avant tout, les jeunes de Sanankoroba. L’Internet, souhaitons-le, leur permettra d’accéder au monde entier… en surfant sur le Web.

Louise Bouliane

Louise BoulianeSaint-Félix-de-Valois est jumelé au village de Douban, situé à 7 km de Sanankoroba, depuis 1996. Louise Boulianne est la trésorière du comité « Saint-Félix Cœurs Solidaires », l’organisme qui encadre les activités du partenariat.

« Quand je me suis présentée à l’assemblée générale annuelle de « Saint-Félix Cœurs Solidaires », on m’a quasiment sauté dessus comme des mouches sur un pot de miel », se rappelle avec humour Louise Bouliane. Le comité voulait des jeunes et ça tombait bien, Louise rêvait de s’engager dans le milieu humanitaire depuis son adolescence.

Louise est allée trois fois à Douban. Chaque fois, elle paie toutes les dépenses de son voyage. Qu’à cela ne tienne : « Je sens que je me rends utile. On le sait qu’on fait une différence », affirme-t-elle.

Le comité « Saint-Félix Cœurs Solidaires » est lui aussi aux prises avec les défis de la communication. Pendant des années, le comité avait à Douban un intervenant parlant français. Un triste épisode mêlant jalousie et soupçons a failli faire déraper le jumelage. Louise raconte :

« Nous avions un bailleur de fonds qui allait financer le voyage d’un Malien au Québec. Les gens de Douban ont choisi une personne qui ne parlait pas français. Notre bailleur de fonds ne l’a pas accepté. Ils ont malheureusement écrit un courriel directement à notre intervenant. Puisqu’il était le seul à comprendre le français, il a lu le courriel au comité de jumelage. Les gens ne l’ont pas cru. ça a dégénéré. Ils se sont mis à lui trouver plein de mauvaises intentions. »

à la suite de cet épisode, la relation entre Saint-Félix et Douban devient tendue : « Quand nous y sommes allés, nous avons posé des questions. Nous nous sommes un peu fâchés », raconte Louise. « Les gens ne voulaient pas nous expliquer. »

Le temps a arrangé les choses. Aujourd’hui, il y a un nouvel intervenant à Douban. La communication est de nouveau assidue. « Saint-Félix Cœurs Solidaires » a réussi à surmonter une première crise.